Douglas Adams et sa fille Polly

Douglas Noel Adams (DNA), né à Cambridge en 1952, est le fils d’un étudiant en théologie et d’une infirmière. Encouragé par un 10/10 attribué à l’une de ses rédactions par un professeur pourtant avare de compliments et de bonnes notes, Douglas Adams commence à écrire de courtes nouvelles à l’âge de 12 ans dans lesquelles il adopte déjà un style humoristique. L’une de ses histoires et une lettre est publiée en 1965 dans la revue “The Eagle“.

Douglas Adams se découvre également très tôt un amour pour le théâtre et doit admettre, par la même occasion, que certains rôles lui seront à jamais interdits, notamment à cause de sa grande taille (il mesurait plus d’1m90) : “J’ai toujours eu beaucoup d’ennuis avec les rôles de nains” confiera-t-il plus tard. Dès ses premières années d’école, ses performances sur scène ont laissé ses camarades quelque peu dubitatifs (Douglas Adams était très maladroit sur scène, accumulant les chutes et gags non prévus – il était ainsi tout à fait capable de se frapper violamment la machoire avec son propre genou, ce qu’il a effectivement fait à la surprise générale). Quelques années plus tard, il choisira pourtant d’intégrer Cambridge dans l’espoir de faire partie de la fameuse troupe des Footlights qui a marqué les débuts de nombre de comiques anglais, dont son idole, John Cleese des Monty Python.

Après son départ de Cambridge, Douglas Adams gribouille quelques textes pour plusieurs émissions télé et radio et surtout devient le partenaire d’écrirture de Graham Chapman (l’un des cinq Monty Python). Ce partenariat lui permettra de faire deux apparitions masquées dans la dernière saison du “Monty Python’s flying circus” et d’être crédité comme co-auteur de l’un des sketches (“Patient abuse“). Parmi les autres projets communs qui ont abouti, “Out of the trees” (pilote de 1976 écrit pour la BBC2 mais qui n’ira pas au delà du premier épisode). Douglas Adams est également crédité (avec d’autres) comme co-auteur de l’excellente autobiographie de Graham Chapman intitulée “A liar’s autobiography” (“autobiographie d’un menteur” disponible en français chez 10/18). Mais bon nombre de projets avorteront (dont un projet pour Ringo Starr, le batteur des Beatles), Douglas Adams et Graham Chapman passant finalement bien trop de temps à boire et à manger et trop peu à écrire.

N’arrivant pas à vendre sa prose, Douglas Adams cumule les petits boulots (dont celui de garde du corps pour une famille du Qatar) et a la nette impression de rater complètement sa vie quand, à 24 ans, il se met à l’écriture du script de “The Hitchhiker’s guide to the galaxy” (H2G2, le guide du voyageur galactique) à la demande de Simon Brett, un ami de Cambridge devenu producteur à la BBC. Au début, H2G2 est à l’image de l’état d’esprit de Douglas Adams à l’époque – très noir. Il prévoit six épisodes qui se finissent tous de la même façon : par la destruction de la Terre! Simon Brett l’encourage alors à écrire quelque chose de plus drôle. Douglas Adams se souvient d’un rêve qu’il a fait quelques années plus tôt, alors qu’il voyageait en Europe. Allongé saoûl dans un champ d’Innsbruck en Autriche, fixant les étoiles, il s’est demandé pourquoi personne n’avait eu l’idée d’écrire un Guide du Routard des étoiles.

La participation de Douglas Adams à certaines émissions (dont The Burkiss Way) ayant été appréciée, et Simon Brett se montrant très enthousiaste, les pontes de la BBC acceptent de lui donner sa chance. Sans trop y croire cependant (selon Simon Brett, ses trois supérieurs ont écouté le pilote dans un silence de plomb avant de se tourner vers lui et de lui demander : “Simon, est-ce que c’est drôle?”). Du coup, la BBC commande six épisodes mais décide de les diffuser les mercredis soirs à une heure avancée. Tout est prêt pour un enterrement discret!

Le premier épisode est diffusé le mercredi 8 avril 1978 à 22h30. Malgré le manque de publicité, les deux premiers épisodes ont un taux d’écoute très convenable. Et à la fin de la diffusion des six épisodes, “H2G2, le guide du voyageur galactique” a acquis définitivement le statut de série culte. Entre temps, six éditeurs et quatre compagnies de disque ont contacté Douglas Adams en vue d ‘obtenir les droits d’exploitation.

Entre-temps, Douglas Adams a accepté un poste de script editor sur Doctor Who, la fameuse série de SF lancée par la BBC en 1963 et qui a bercé son adolescence. En plus de son travail de réécriture et de supervision des scripts, il va signer trois épisodes qui vont rapidement devenir des classiques : “The city of death”, “The pirate planet” et “Shada” (ce dernier étant inachevé car le tournage a été interrompu suite à une gêve, et jamais repris. Les scènes existantes seront quand même éditées en VHS avec une copie du script – puis le script sera adapté en version audio et web).

Pendant ce temps, le livre adapté de la série radio est édité chez Pan Books en octobre 1979. Le lendemain de sa sortie, il prend la première la place du box office. En trois mois, 250.000 exemplaires sont vendus. Du coup, la diffusion d’une seconde série radio est inévitable : elle commence donc en janvier 1980. Et un an plus tard, une adaptation télé est diffusée sur la BBC (disponible aujourd’hui en DVD).

H2G2 a été un pionnier en matière de produits dérivés. Deux disques, reprenant globalement la trame de la série radio, sortent successivement. Ils sont suivis peu après par deux 45 tours de disco interprétés par Marvin, l’androïde paranoïaque, l’un des héros de la série ! Trois pièces de théâtre sont montées en l’espace de deux ans (deux gros succès et un bide magistral). La série télé suit de peu, ainsi que les trois autres livres “Le dernier restaurant avant la fin de l’univers” (1980), “La vie, l’univers et le Reste” (1982), “Salut et encore merci pour le poisson”(1984). Le cinquième tome de la série paraît lui bien plus tard, en 1992, sous le titre “Globalement inoffensive”. Tous ces livres ont été (mal) traduits et édités en France par Denoël dans la collection Présence du Futur (Folio SF depuis le début de 2001). Un jeu informatique, un livre en image de synthèse et des adaptations BD feront également leur apparition.

L’audience de H2G2 a rapidement dépassé le territoire anglais. Il a connu un énorme succès dans nombre d’autres pays dont les Etats-Unis ou l’Allemagne… A la toute fin du XXe siècle, on estimait que quinze millions d’exemplaires du cycle H2G2 avaient été écoulés dans les seuls pays anglo-saxons.

Avant tout écrivain, Douglas Adams a aussi publié d’autres livres, sans rapport avec “H2G2”. Mentionnons “Dirk Gently’s holistic detective agency” (1987 – traduit en Français sous le nom de « Un cheval dans la baignoire ») et sa suite “The long dark tea-time of soul”(1988, « Beau comme un aéroport »), deux romans mélangeant allégrement l’ambiance des films noirs, le surnaturel, l’horreur, et évidemment l’absurde et le comique.

Notons aussi l’étrange “The meaning of life” co-écrit avec John Lloyd, sorte de dictionnaire de mots qui n’existent pas… mais qui le devraient ! Enfin son dernier livre hors H2G2 s’appelle “Last chance to see…” (1990). un livre de zoologie et de voyage co-signé avec Mark Carwardine (mais probablement écrit par Douglas Adams seul), sur les races animales en voie de disparition (“Ecriture descriptive de haute volée… Un livre extrêmement intelligent” THE TIMES).

Depuis 1992, silence total sur le plan littéraire mis à part un roman annoncé il y a déjà plusieurs années : ” Salmon of doubt ” qui devait à priori s’insérer dans la série Dirk Gently … ou H2G2. On était plus sûr de rien car Douglas Adams se contentait de réponses vagues et parfois contradictoires sur le sujet (Une version inachevée, avec Dirk Gently, sera publiée après sa mort dans « Salmon of Doubt / Fonds de Tiroir »).

Pourquoi a-t-il écrit finalement si peu de livres ? Plus que tout autre, Douglas Adams souffrait de l’angoisse de la feuille blanche. Ecrire était pour lui une torture. D’autant qu’il n’était pas à ses yeux un écrivain majeur, et qu’il ne comprenait pas pourquoi ses éditeurs étaient prêts à le payer de telles sommes d’argent pour qu’il sorte des livres. Un jour, un éditeur américain lui a proposé trois millions de dollars pour écrire un livre, quelqu’en soit le sujet. Par contre, pour l’obliger à terminer les bouquins commencés, ses éditeurs ont dû se résoudre à l’enfermer dans une chambre d’hôtel, ou à envoyer un émissaire habiter chez lui pour veiller à l’avance du livre!

Pendant toutes ces années de silence littéraire, Douglas Adams était-il pour autant inactif ? Non. Avec sa société Digital village, il a réalisé un jeu d’aventure délirant intitulé ” Starship Titanic ” qui a ensuite été adapté en livre par Terry Jones, l’ancien Monthy Python (publié en France chez J’ai Lu). Il a également donné d’innombrables conférences à travers le monde entier pour défendre sa conception des avancées de la science et d’Internet. Il a enfin réalisé une série de programmes pour la BBC, intitulée “Hitch-hiker’s guide to the future” où il traite de sujets comme la télé interactive, les excès de la technologie, l’avenir de la musique face à l’expansion du mp3, ou celui des livres face au livre électronique.

 

Douglas Adams était également un fan de musique. Il a écrit “Le dernier restaurant avant la fin de l’univers” en écoutant en boucle l’album de Paul Simon “One trick pony” et était un inconditionnel des Beatles. Il possédait une trentaine de guitares. Son ami intime, David Gilmour, leader des Pink Floyd, lui a offert un cadeau de taille pour ses quarante-deux ans. Douglas Adams a ainsi eu le privilège d’interpréter sur scène, avec le groupe mythique, à Earl’s court, deux morceaux du non moins mythique “Dark side of the moon“. Par ailleurs, il est à l’origine du titre du dernier album du groupe anglais : “The division bell“.

Alors que le millénaire touchait à sa fin, Douglas Adams est allé s’installer à Santa Barbara en Californie, dans l’espoir de réussir l’adaptation cinématographique de H2G2 (projet auquel il aura consacré de très nombreux efforts dès les années 80). Disney était annoncé à la production, et Jay “Austin Power” Roach aux manettes.

Bien que prenant du retard, le projet de film semblait avancer quand la mort nous a soudainement enlevé cet écrivain de génie, le 11 mai 2001. Douglas Adams laisse derrière lui une veuve, Jane Belson et une fille alors agée de six ans Polly. God bless them.

A lire en Français : Douglas Adams, une biographie par MJ Simpson (éditions Bragelonne)