Douglas Adams,… L’homme aux 24 guitares

 Quand Douglas Adams a imaginé la série radio de H2G2, il voulait qu’elle ressemble plus à un opéra rock qu’à un feuilleton radio de facture classique. Bon guitariste, sa vie et son oeuvre ont été marquées par son amour pour la musique.

Douglas Adams disait souvent que pour écrire il lui fallait ingurgiter un nombre conséquent de sandwichs et faire trempette dans un nombre tout aussi considérable de bains.

“En fait, j’avais également besoin de jouer de la guitare très fort. Cela n’irritait pas trop les voisins tant que je jouais du fingerpicking sur ma guitare acoustique dès que je souffrais du syndrome de la page blanche. Mais depuis que je me suis acheté une Fender Stratocaster, la simple recherche du mot juste réussit à causer colère et douleur dans une bonne partie de ma rue”.

Son ami Geoffroy Perkins expliquait que Douglas était un très bon guitariste, mais un très mauvais chanteur. Au fil des années, Douglas a réussi à collectionner 24 guitares pour gaucher, acoustiques et électriques. De quoi fâcher tout un quartier!

Quand il était bloqué sur une feuille blanche, Douglas avait également l’habitude d’écouter de la musique pour l’aider. “Ce n’était qu’une illusion” avouera-t-il quelques années plus tard. C’est cependant en écoutant en boucle l’album de Paul Simon “One trick pony” qu’il écrit son deuxième livre “le restaurant à la fin de l’Univers”. Et il a écrit le premier tome des aventures de Dirk Gently en écoutant la Schubler Chorale No 5 de Bach “Ach bleib bei uns, Herr Jesu Christ”. Ce grand musicien fait d’ailleurs une apparition dans le livre.

Par ailleurs, il s’est inspiré de la musique pour trouver quelques idées. Celle du restaurant à la fin de l’univers vient de “Grand Hotel”, un morceau du groupe anglais pop Procol Harum.

On l’aura compris, ses goûts sont éclectiques et vont de Bach à Mozart en passant par le pop rock : les Beatles et Pink Floyd. Marvin fredonne l’un des morceaux de ces derniers dans la version radio du troisième épisode*.

Dans la version livresque des aventures d’Arthur et consorts, des références musicales apparaissent. Comment ne pas citer le nom d’Hotblack Desiato, le leader du groupe de rock le plus bruyant de l’univers, le “Disaster area”, mort pendant un an pour des raisons fiscales, et du fameux point d’orgue de leur concert dans lesquels nos amis ont failli laisser leur vie? Incursion dans la réalité, le nom de Paul Mc Cartney apparait souvent dans le troisième tome de la série.

Douglas voulait d’ailleurs que la version radio du Guide galactique ressemble à un opéra rock.

“Cela faisait déjà plus de dix ans que Sergent Pepper avait révolutionné la production sonore dans le monde du rock. Mais j’avais l’impression que dans la comédie radio, pas grand chose n’avait progressé entre une porte qui se ferme, les bruits de pas dans un gravier et les vieux effets comiques… Je voulais que le Guide ressemble à un album de rock. Je voulais que les voix et la musique soient parfaitement orchestrées afin de créer un tableau cohérent d’un autre monde.”

C’est lui qui a mis en place la bande son de la série radio de H2G2. Il a imposé l’instrumental “journey of the sorcerer” de Eagles comme thème musical. Les autres musiques utilisées dans la série vont de Eno et Terry Riley à Ligeti en passant par Louis Armstrong.Si le Guide a révolutionné le genre du feuilleton radiophonique, c’est en grande partie grâce à sa conception très musicale.

La musique a toujours fait partie de sa vie. Enfant, il s’est échappé de son école pour aller acheter le dernier disque des Beatles. Adulte, Douglas fut un énorme collectionneur de CDs de tous styles. Cela frisait parfois l’obsession. Douglas a investit une partie non négligeable de son argent dans l’aménagement accoustique de son appartenant et dans l’organisation de grandes soirées où ses musiciens préférés étaient conviés afin de se taper un boeuf.

Comment s’étonner alors du fait que Douglas Adams comptait beaucoup d’amis musiciens? Soit, l’un d’entre eux, le célèbre Paul Simon, a toujours refusé de rencontrer Douglas du fait de leur différence de taille (plus d’une trentaine de centimètres!). Mais on pouvait compter dans les rangs de ses amis proches des gens comme David Gilmour (Pink Floyd), Gary Brooker (Procol Harum), la chanteuse Margo Buchanan (DNA a réalisé un clip amateur sur une de ses chansons “i wanna be a rock star” avec sa fille dans le rôle de la star) , et Robbie McIntosh (dont sa compagnie Digital Village a produit un album unplugged “Unsung”). Tous sont venus chanter en son honneur lors de la cérémonie qui s’est tenu le 17 septembre 2001 à Londres.

nbsp;Ses talents de musicien lui ont permis de jouer sans honte sur scène avec Pink Floyd lors d’un concert à Londres le 28 octobre 1994 à Earl’s court (il y joue de la guitare acoustique sur “Brain damage” et “Eclipse”, un cadeau de David Gilmour pour son quarante-deuxième anniversaire). Il aura également l’occasion de monter sur scène avec Procol Harum, devenant “le seul fan à avoir jouer avec le groupe”. Ces deux groupes ont également demandé à Douglas Adams d’écrire des paroles pour leurs chansons, mais Douglas ne s’est jamais vraiment senti à l’aise avec ce type d’écriture. Il est néanmoins à l’origine du titre du dernier album de Pink Floyd, “the divison bell”.

Les musiciens ne sont pas ingrats. Beaucoup d’entre eux lui ont rendu un hommage appuyé de son vivant en s’inspirant de son oeuvre. Un disque de jazz a ainsi été composé sur le thème du guide. Plusieurs groupes ont pris des noms inspirés de nos ouvrages préférés : du groupe de jazz américain Beeblebox, au quatuor pop norvégien Babel fish en passant évidemment par Radiohead qui a intitulé l’un de ses morceaux “the paranoid android” (soit Marvin of course).

Enfin, notons que Stephen Doc Wallace, l’un des membres de Procol Harum, a rendu hommage à DNA en mixant sa voix sur le morceau préféré de Douglas “Holding On”. Ce remix est disponible en téléchargement sur leur site.

* En arrivant sur Magrathéa, Marvin fredonne un morceau de Pink Floyd “Shine on you crazy diamond”. Mais pour des raisons de copyright, ce passage n’a pas été reproduit sur les cassettes et cds.

PS : les photos de cette rubrique proviennent de l’excellente biographie de Nick Webb (“wish you were here”). Elles sont reproduites ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.