Après quelques rumeurs et déclarations sans suites sérieuses (une légende dit que George Lucas se serait lui même intéressé au projet), c’est en décembre 1982 que les droits de l’adaptation cinématographique sont une première fois vendus aux studios Columbia Pictures. Douglas Adams s’occupe du script, et Ivan Reitman (Ghostbusters, Rainman) se charge de la production, tandis que l’artiste designer Ron Cobb (Alien, Star Trek 2) est également partie prenante du projet . Notre auteur ne tarde pas à emménager à Los Angeles. Pleine d’optimisme, Columbia annonce le film pour 1985.

UNE PREMIERE TENTATIVE CATASTROPHIQUE

En septembre, Douglas rend un script de 250 pages… et doit le reprendre : c’est beaucoup trop long ! Columbia et Douglas décident d’appuyer sur la touche pause. Douglas retourne en Grande-Bretagne écrire le deuxième livre du cycle et travailler sur l’adaptation en jeu informatique du premier tome. Ivan Reitman part réaliser un autre projet qui lui apportera gloire et fortune …Ghostbusters. Douglas ne fut guère satisfait de cette première expérience hollywoodienne : « Je ne pouvais pas supporter Los Angeles ! ». Douglas Adams expliquera cette situation également par ses problèmes relationnels avec Ivan Reitman : “Un jour, lors d’une réunion, il m’a dit que le public allait se sentir perdu si on lui disait que la solution à l’énigme de la vie, l’univers et le reste, était 42. Il a ajouté qu’on avait besoin d’un grand finish à la place… Là, j’ai compris que j’étais coincé”.

En 1987, le producteur David Putman (« Les chariots de feu », « Midnight Express »,…) prend la succession d’Ivan Reitman, mais en mai, le film est à nouveau en position arrêt.

Il faudra attendre 1992 pour que Douglas Adams fasse une rencontre décisive. Michael Nesmith est un producteur de télévision et ancien membre fondateur des « Monkeys ». Il décide de travailler avec Douglas sur le film et de l’aider à trouver un studio. Mais il faut d’abord que ce denier rachète les droits à Columbia. Montant de l’adition: 350.000 dollars ! Douglas hésite pendant plusieurs mois, mais finit par aligner la somme demandée. Et Michael Nesmith parcourt alors les studios pour trouver un nouvel acheteur. Pourtant, malgré l’intérêt montré par certains réalisateurs, dont James Cameron (« Terminator », « Titanic »,…), le projet ne trouve pas d’acheteur. « Je pense qu’à ce point Hollywood avait décidé que ce projet était fini ». Michael Nesmith finira par jeter l’éponge à son tour en 1997.

Pourtant, en juillet 1995, Douglas Adams garde encore un optimisme teinté d’ironie : « Je suis très confiant sur la possibilité d’en faire un film dans une décennie proche. Laquelle ? Ça j’aimerais bien le savoir ! ». Et un an plus tard : « C’est très difficile de faire tenir le film en 100 minutes. Bon, en fait, il ne tient pas du tout dans 100 minutes. Le projet actuel, que je trouve très excitent, est d’en faire une série de plusieurs épisodes de 40 minutes au format IMAX ». Néanmoins, là aussi il doit baisser les bras. Il n’y a pas assez de cinémas adaptés à cette technologie pour rendre le projet économiquement viable.

DISNEY RACHETE LES DROITS DE L’ADAPTATION

Entre temps, Douglas Adams co-fonde une compagnie Multimédia « The Digital Village ». La société sort le jeu informatique « Starship Titanic » et porte le concept du Guide sur Internet avec « h2g2.com ». Commercialement, l’aventure n’est pas un gros succès, et Douglas, par ailleurs pas très tenté d’écrire un nouveau livre dans l’immédiat, sent à nouveau la nécessité de s’attaquer au projet de film. Avec Robbie Stamp (son ami et partenaire dans l’aventure Digital Village), il s’envole une nouvelle fois pour les USA afin de dénicher des partenaires potentiels. Ils finissent par trouver chaussure à leur pied : le réalisateur Jay Roach (Austin Powers) et Robert Birnbaum (l’une des têtes dirigeantes de maison de production indépendante Caravan qui deviendra par la suite Spyglass et triomphera avec « le sixième sens »). Ces deux nouveaux venus dans l’univers due H2G2 sont très enthousiastes. Ils ont également le bras suffisamment long et devraient pouvoir attirer un gros studio pour financer le film… Disney. À Hollywood, les choses ne se font pas du jour au lendemain. Douglas Adams le sait ! Il faudra donc dix-huit mois pour trouver un accord avec Disney qui signera… le 6 janvier 1998.

Echaudé par sa précédente aventure hollywoodienne désastreuse, Douglas Adams s’impose au poste de producteur exécutif avec Robbie Stamp et est chargé d’écrire une nouvelle version du scénario. La sortie est prévue pour l’été 2000.

Disney s’en lèche les babines. Men In black vient juste de cartonner au box office et a prouvé par la même occasion qu’on pouvait mélanger avec succès la science-fiction et l’humour. Pour sa part, Douglas a été outré par la sortie de Men in Black et n’a pas été loin de crier au plagiat!

MARS 2000, UN SCRIPT DEFINITIF ?

Puis, en mars 2000, Douglas Adams décide de se lancer dans l’écriture d’une énième version du script. Trois mois plus tard, notre auteur explique : “il y a des tas de nouveaux développements en cours. Je ne peux partagé aucun d’entre eux avec vous pour l’instant. Mais il y a une très bonne nouvelle que je peux vous communiquer : j’ai fini une toute nouvelle mouture du script le week-end dernier, et Jay l’adore. C’est la première fois depuis toutes ces années que nous avons un script qui fonctionne réellement, et qui semble résoudre tous les problèmes que nous rencontrions. Tout semble réunit pour que cela soit à la fois une version authentique du guide galactique et un bon film.”

Reste que le tournage n’était pas encore prêt de commencer, puisque quelques mois plus tard, Jay Roach précisait que “les studios avaient tendance à définir le projet comme une sombre histoire à la Monty Python qui se passerait dans l’espace”.

La question du budget était clairement l’un des points d’achoppement avec un montant prévisionnel qui tournait entre 80 et 120 millions de dollars. A la mi 2000, une rumeur annonçait même que Jay Roach aurait quitté le projet pour un différent avec les studios à ce propos. La rumeur a été finalement démentie quelques jours plus tard.

LES RUMEURS AUTOUR DU CASTING

Beaucoup de bruits ont circulé très tôt autour du casting. Un an avant sa mort, Douglas Adams confiait “mon casting idéal serait très international. Je comprends tout à fait le point de vue selon lequel le casting devrait être à 100% britannique, mais même la série radio était un mélange d’accents, et je pense qu’un casting purement britannique serait aussi artificiel qu’un casting purement américain. La galaxie n’est pas britannique, ni américaine. Mon principe est celui ci – Arthur devrait être britannique. Le reste du casting pourra être choisi sur des critères de talent et non de nationalité”.

L’acteur favori de Douglas Adams pour jouer le rôle d’Arthur était Hugh Laurie, un comédien anglais peu connu hors des frontières britanniques, mais doté d’un grand talent comique. Autre souhait de Douglas, que Stephen Moore, qui avait déjà incarné Marvin à la radio et pour la série télé, reprenne le rôle sur le grand écran.

Quant à Jay Roach, il voyait un acteur américain, tels Jim Carrey ou Bruce Willis, dans le rôle de Zaphod… au grand dam d’un nombre considérable de fans!

UNE NOTE D’ESPOIR

Il est clair que la mort de Douglas Adams a porté un coup au projet. Il y était personnellement très impliqué. Si Jay Roach a déclaré qu’il souhaitait voir aboutir le projet, il est parti entre temps sur deux autres films (Austin powers 3 et Meet the parents 2). Quant au script… il semblerait que celui de Douglas n’était pas si définitif que ça. Quelques rumeurs de nouvelles moutures ont circulé. De plus, Ed Victor, l’ex-agent de Douglas Adams, avait annoncé que le script serait publié dans le livre posthume paru en mai 2002, mais finalement il en était absent… sans qu’on puisse certifier qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle pour le film. Pour reprendre les propos d’Ed Victor à l’époque, on ne pouvait alors que s’appuyer sur “ces personnes déterminées à voir le projet aboutir”…. C’est-à-dire Robbie Stamp, Spyglass et Jay Roach.

SCOOP !

En janvier 2002, sept mois après la mort de Douglas Adams, quelques nouvelles officieuses ont percé. Grâce à des contacts à Hollywood, j’ai pu obtenir un scoop qui confirmait que Jay Roach était loin de se désintéresser du projet. S’il semble penser, qu’en l’état, le script laissé par Douglas n’était pas encore exploitable, il a creusé plusieurs pistes pour tenter de sortir le projet de l’impasse. Il a d’abord tenté de faire écrire un nouveau script par un ou plusieurs scénaristes (voir l’interview de Jim Cirile). Puis il a décidé de recourir aux services de Karey Kirckpatrick, l’auteur du script de Chicken Run, pour retravailler celui de Douglas Adams… Pour des questions juridiques, il a fallu cependant attendre jusqu’à la mi-septembre 2002 pour que la participation de Karey soit officialisée.

Début 2003, nouveau rebondissement! Alors que Karey Kirckpatrick avait remis un script qui contentait tout le monde, de nouvelles rumeurs fusent : Jay Roach aurait lâché le projet. Lassitude? Ou désaccord persistant entre Jay Roach et la production sur le coût du projet (Disney plaçant la barre très en deçà de 100 millions de dollars et Roach estimant ce chiffre irréalisable)? On ne le saura peut-être jamais. En fait, si Jay a bien décidé d’abandonner la casquette de réalisateur, il garde un poste de producteur, et reste très attaché au projet : ” (Début 2001) J’en étais arrivé à un point où j’ ai dis à Douglas que le film ne verrait sûrement jamais le jour. Il est mort peu après. Je me suis senti une obligation morale de continuer de me battre pour le film”.

ET POUR FINIR… UN HAPPY END ?

Tenace, Spyglass et Robbie Stamp se mettent alors en quête d’un nouveau réalisateur. Spike Jonz, auteur de “Dans la peau de John Malkovich” est pressenti, mais refuse le projet pour cause d’emploi du temps surchargé. Par contre, Jonz conseille à Robbie Stamp et à Spyglass de jeter un coup d’oeil au travail d’un duo de créatifs anglais, Nick Goldsmith et Garth Jennings (l’un est producteur, l’autre réalisateur). Ces deux jeunes trentenaires, installés sur un péniche à Londres, ont produit quelques clips et pubs très remarqués sous le nom d’ Hammer & Tongs pour Jeff Beck, Fatboy Slim, Eels,….

Nick et Garth n’ont pourtant pas sauté tout de suite au plafond quand on leur a transmis le script. L’idée de participer au massacre d’un chef d’œuvre de la littérature par Hollywood les rebutait. Pourtant, après avoir laissé le scipt prendre la poussière sur leur bureau, ils de décidèrent finalement à le lire… et furent agréablement surpris du résultat. Dès lors ils placèrent tout leur enthousiasme au service de H2G2. Attachés au projet depuis juin 2003, ils ont su trouver le ton juste pour convaincre Spyglass et Disney qu’ils étaient les hommes de la situation. Grâce à une imagination débridée, et malgré une expérience inexistante en matière de long métrage! Une nouvelle qui avait été plutôt bien accueillie par les fans qui voyaient là l’occasion de retrouver l’esprit british décalé qui avaient fait le succès des précédentes versions de H2G2.

Finalement, le 25 septembre 2003, Disney annonça au monde incrédule que le film entrait en pré production. Un jargon hollywoodien qui signifie que les producteurs avaient donné leur feu vert au projet…. pour un budget gardé secret mais estimé entre 50 et 60 millions de dollars.

Ainsi s’est conclue (avec bonheur) l’une des mises en chantier les plus longues de l’histoire hollywoodienne. Un happy end qui aurait fait le bonheur de Douglas Adams…