H2G2, le film : le making of

 Quand deux jeunes créatifs anglais déjantés (Garth Jennings et Nick Goldsmith) raflent la mise pour l’un des films de SF les plus attendus de ce début de siècle, forcément le résultat n’est pas très classique !

UNE GRANDE LIBERTÉ DE TON

Garth Jennings, le réalisateur, et son compère producteur Nick Goldsmith, connus sous le nom d’Hammer & Tongs, ont obtenu de Disney une liberté d’action assez incroyable surtout pour un premier film. Ils ont eu ainsi la possibilité d’embarquer dans l’aventure plusieurs membres importants de leur équipe dont Igor Jadue-Lillo, le directeur de la photographie, Joel Collins, le production designer, ou encore Sammy Sheldon qui réalise les costumes. Le tournage a eu lieu près de Londres. Les séquences animées du Guide ont été conçues par les jeunes créatifs anglais de Shynola, et le casting, sans star imposée, est le fruit de leurs propres préférences et comprend un grand nombre d’acteurs anglais très talentueux. De même pour le choix de faire un film de SF sans excès d’effets spéciaux numériques à tout bout de champ (Le syndrome post-« Menace Fantôme » ne passera pas par H2G2 !). Les mauvaises langues pourront toujours prétendre que ces choix ont été dictés avant tout par un budget plus serré que prévu, mais force est d’avouer qu’à l’écran ces choix se montrent très pertinents.

DES COSTUMES TRÈS TRAVAILLÉS

Pour la création des créatures et robots du film, le choix s’est très vite porté vers de véritables orfèvres en la matière: le Jim Henson Creature Shop. La société fondée par le créateur du Muppet Show et de Dark Crystal, a notamment conçu Marvin, les Vogons ou encore le cachalot. Qu’on apprécie ou pas le design retenu pour Marvin (avec cette tête de taille d’une planète), c’est une chose. Mais les Vogons, d’environ deux mètres de haut pour les deux principaux personnages Jenz et Kaltz, sont particulièrement impressionnants, diaboliquement précis jusque dans le moindre détail de leur peau et de leur costume.

Les costumes des personnages principaux ont été conçu avec le même souci perfectionniste. Étrangement, c’est le costume du Terrien Arthur Dent qui a posé le plus de problème : “Je voulais une robe de chambre légèrement trop grande et légèrement froissée”, se souvient la responsable des costumes Sammy Sheldon, “nous voulions qu’elle soit réalisée à partir du coton épais qu’on utilise pour les serviettes. Nous avons dû attendre cinq semaines pour obtenir le bon tissu trouvé en République Tchèque. Nous n’avons pas pu nous procurer un pyjama convenable rayé sans des rayures vertes ou bleues – du fait des effets spéciaux nous devions bannir ces deux couleurs. Nous avons fait venir l’étoffe de Turquie et nous avons tout foiré quand nous avons essayé d’imprimer les rayures dessus. Ensuite, nous avons eu des problèmes pour trouver la tenue de safari qu’il utilise comme déguisement lors de la soirée au début du film car la société qui les fabriquait avait décidé d’arrêter la production, et nous avons finalement trouvé un rouleau du bon tissu dans une arrière-boutique”.

DÉCORS, MAQUETTES, GADGETS ET EFFETS NUMÉRIQUES

Les décors (intérieur du vaisseau Vogon et du Coeur on Or) ont eux été réalisés par Asylum et construits grandeur nature en studio. Evidemment tout oppose ces deux décors : le vaisseau Vogon tout anguleux, gris et vieux est l’exact opposé du Cœur en Or, tout en rondeurs, d’un blanc immaculé et résolument high-tech. Le vaisseau Vogon correspond bien à la description de Douglas qui explique dans le livre qu’ « ils flottent dans l’espace comme des briques », alors que le design du Cœur en Or s’éloigne du vaisseau en forme de chaussure de sport imaginé par l’auteur.

Evidemment, un film SF permet de laisser libre court aux imaginations les pus débridées et d’inventer des gadgets les plus invraisemblables. Pourtant, pas question d’en faire trop : « Tout le monde voulait apporter sa contribution, et c’était très dur de les retenir », explique Joel Collins. « Mais c’était mieux de rien faire plutôt que d’en rajouter trois tonnes. L’ensemble du film n’est pas surchargé en matière de design et de gadgets. Mais ça a été très dur à obtenir avec tant de gens aussi créatifs impliqués dans le film ».

Les effets numériques ont été conçus par Cinésite. La société américaine est ainsi responsable de l’un des morceaux de bravoure du film : la superbe séquence où Slartibartfast et Arthur entrent dans l’usine de fabrication de planète sur Magrathéa (une séquence qui a exigé à elle seule un an et demi de travail et qui a été recommencée maintes fois). Cinésite a aussi travaillé sur la scène où nos héros marchent sur la surface de Magrathéa, et évidemment sur la séquence de destruction de la Terre.

MARS 2004, LE DÉBUT DU TOURNAGE

Le tournage du film a commencé en mars 2004. Mais Garth et Nick avaient déjà bien préparé leur sujet pendant les six mois de pré production qui ont suivi le feu vert donné par Disney. Il se sont même payé le luxe de deux semaines de répétition avec les acteurs. Un storyboard très précis a également été établi dès le départ pour régler le maximum d’idées et de détails le plus tôt possible.

Du coup, la veille du tournage, Garth se souvient que “nous nous sentions totalement prêts. Le film était un examen et nous avons révisé comme des fous. J’ai vraiment adoré filmer la soirée (NDE : celle où Arthur fait la connaissance de Trillian). À la fin de la première journée nous savions que tout ce que nous filmerions pendant la deuxième journée serait du bonus”. Même son de cloche chez Nick Goldsmith : “Si vous faites bien votre boulot tout est prêt pour le jour J”.

UN FILM TOURNÉ A 100% EN GRANDE-BRETAGNE

Le tournage a eu lieu principalement à Elstree, le studio mythique près de Londres où ont notamment été tournés tous les Star Wars. Les décors du Cœur en Or et du vaisseau Vogon ont été construits grandeur nature dans les gigantesques hangars du studio. D’autres séquences, nécessitant la présence des acteurs et l’ajout d’effets numériques en post prod, ont été tourné aux studios de Shepperton sur fond bleu (c’est le cas notamment de l’arrivée de nos héros sur Magrathéa). Quant à la séquence enfumée sur Viltevolde VI, elle a été tournée dans le Nord Ouest de Londres aux Studios Frogmore. Plusieurs autres scènes ont été filmées en extérieur : c’est le cas des scènes où l’on voit la maison d’Arthur (filmées dans la campagne anglaise), ou de l’arrivée sur Vosphère (le tournage a eu lieu dans une carrière abandonnée du Pays de Galle) et de l’intérieur du temple de Humma Kavula (tourné au au temple Freemasons de Londres), ainsi que des scènes de panique filmées dans les rues londoniennes.

UNE ATTENTION HALLUCINANTE AUX DETAILS

L’attention portée pendant le tournage aux plus minuscules détails est hallucinante. Les clins d’œil pour les fans de H2G2 sont innombrables. La mère de Douglas fait une brève apparition à la terrasse d’un café où une affiche fait la pub d’un spectacle intitulée « Où est passé mon stylo ? » (dans les précédentes versions de H2G2, Zaphod s’est un temps consacré au commerce fort lucratif de stylos d’occasion), le visage de Douglas apparaît en fonds dans la séquence de l’usine de planètes sur Magrathéa alors que son nez trône à l’entrée du temple d’Humma Kavula, le chiffre 42 fait évidemment plusieurs apparitions, la fresque en forme d’anneau – dessinée sur le devant du Cœur-en-or – retrace l’histoire de l’invention du Générateur à improbabilité infinie et montre des personnages aux têtes familières (il s’agit en fait de toutes les principales personnes qui ont travaillé sur le film)… Enfin, nous avons droit à une version orchestrale de « Journey of the Sorcerer » des Eagles (le thème des séries radio et télé) qui donnera forcément des frissons dans le dos des fans.

LE TOURNAGE S’EST ACHEVÉ A LA FIN DE L’ÉTÉ 2004

Le tournage s’est terminé fin août 2004. La phase de post production a suivi à un rythme frénétique. La sortie étant prévue en avril, il fallait faire vite. Garth a pourtant réussi à faire le montage qu’il souhaitait, et clame aujourd’hui haut et fort qu’il n’y aura pas de director’s cut dans le DVD : « le film me convient très bien comme ça. Les scènes retirées l’ont été pour de bonnes raisons ». Début 2005, la première projection test à Los Angeles est concluante. La première projection européenne a lieu en février au cœur de Londres. J’ai eu la chance de figurer parmi la petite centaine d’invités qui ont eu le droit d’assister à cette séance exceptionnelle. Le film n’était pas alors tout à fait terminé : la bande son définitive de Joby Talbot n’était pas présente, et plusieurs effets spéciaux devaient encore faire l’objet de quelques retouches. Pour autant, le montage était déjà celui qu’on a vu quelques mois plus tard arriver sur les écrans. L’impact de la musique finale est cependant particulièrement audible quand on compare les deux versions, témoin du soin porté à la bande son, notamment lors de la très kitchissime séance d’ouverture du film.

UNE PREMIÈRE EN FANFARE À LONDRES

Point final de cette grande aventure et début de sa carrière sur les écrans, la première du film a eu lieu le 20 avril à Londres. Un véritable événement avec tapis rouge suivi d’une fête privée dans une boîte décorée aux couleurs de H2G2. Autant vous dire qu’à ce jour je suis encore malade d’avoir manquer la fête. Piètre consolation : j’ai un joli carton d’invitation qui traîne dans ma collection d’archives H2G2esque !